vendredi 31 janvier 2014

Est-ce que la vidéo réinvente l’éducation?



C’est à cette question que je tenterai de répondre dans le billet de cette semaine. Avant de prendre position sur la conférence animée par Salman Khan, je vous invite à la visionner.


Pour ceux qui n’ont pas le temps de regarder la vidéo, voici le résumé de la conférence repéré au lien ci-dessus :

  «Salman Khan parle du pourquoi et du comment de la création de la remarquable Khan Academy, une collection soigneusement structurée de vidéos éducatives qui offrent un programme complet en mathématiques, et, maintenant, dans d'autres domaines. Il démontre le pouvoir des exercices interactifs, et appelle les enseignants à réviser le contenu d'une classe traditionnelle -- en donnant aux étudiants des conférences vidéos à regarder à la maison, et en faisant les "devoirs" dans la salle de classe avec l'enseignant disponible pour apporter de l'aide.»

À la suite du visionnement de la conférence, j’ai dégagé deux pratiques principales dans le programme proposé par Khan, soient les vidéos éducatives regardées à la maison et les exercices interactifs faits en classe sous la supervision de l’enseignante. Étant étudiante au Baccalauréat en adaptation scolaire, l’éducation des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA) a évidemment eu une influence sur ma prise de position. 

Je crois que le programme d’enseignement proposé à la Khan academy peut effectivement réinventer le monde de l’enseignement auprès de l’éducation des adultes, des élèves du secteur régulier dans les écoles primaires et secondaires ainsi que pour les enfants qui font l’école à la maison. Pour profiter de cette technologie, les apprenants doivent être autodidactes ainsi que faire preuve de maturité, de motivation, d’organisation et d’autonomie. 

Vraisemblablement, ce sont des habiletés que l’on retrouve rarement chez les élèves HDAA. C’est pourquoi mon opinion est plutôt nuancée en ce qui concerne l’application du programme de M. Khan auprès de ces élèves.

D’une part, je constate que les vidéos éducatives que les élèves doivent regarder à la maison ne sont pas du tout appropriées à l’enseignement des différents concepts à l’étude. Voici mes arguments :

- Il n’y a pas de possibilités de différenciation des apprentissages; tous les élèves visionnent la même vidéo.

- L’élève n’est pas actif dans son apprentissage. Vienneau (2011, p.181) explique l’importance de l’activité et du contact direct avec l’environnement chez l’apprenant qui «doit construire activement ses connaissances par des manipulations, des mises en situation, des expériences diverses dans l’environnement scolaire et dans son milieu de vie.» Le simple visionnement d’une vidéo ne permet pas tout cela.

- Avez-vous déjà observé un enfant qui regarde un écran de télévision ou d’ordinateur? L’enfant devient amorphe, la bouche ouverte et les yeux vitreux. Il semble être absorbé dans un autre monde. Il subit la vidéo au lieu de vivre l’apprentissage. À long terme, cela ne peut pas être bénéfique pour son apprentissage.

- Une vidéo ne pourra jamais remplacer l’être humain. C’est la chaleur, la présence et le soutien d’un enseignant ou d’une enseignante que l’élève HDAA a besoin lorsqu’il effectue un apprentissage.

- Aucune rétroaction directe ne peut être donnée à l’élève lors de l’apprentissage puisqu’il se trouve à la maison devant une vidéo qui défile sans s’arrêter pour répondre à ses questions.

D’autre part, je soutiens que les exercices interactifs effectués en classe sont adaptés et adaptables aux élèves d’une classe d’adaptation scolaire. Voici mes arguments :

- Comme l’enseignement de la matière ce fait à la maison, l’enseignante a plus de temps en classe pour la pratique. Elle peut prendre le temps d’observer les élèves et de soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

- L’élève chemine à son propre rythme dans les exercices qui lui sont proposés. Le système est programmé de telle sorte que l’apprenant doit réussir une série de 10 exercices avant de passer à la prochaine. Le niveau de difficulté augmentant d’une série à l’autre. Suivre le rythme d’apprentissage de chacun est bénéfique pour tous les élèves, spécialement pour ceux des classes d’adaptation scolaire.

- Grâce au tableau des apprentissages et aux différents graphiques, l’enseignante est facilement au courant du cheminement des élèves. Elle peut donc rapidement identifier les élèves qui éprouvent des difficultés et leur apporter du support.

- Aussi, l’élève peut voir sa progression et toutes les réussites qu’il a effectuées. Cela est extrêmement motivant et bon pour l’estime de soi de l’apprenant. Les élèves en difficulté ont souvent une image négative d’eux-mêmes et les différents échecs auxquelles ils doivent faire face minent leur motivation. (St-Laurent, 1995) Or, ce sont deux aspects très importants dans la réussite scolaire.

- Dans le tableau des apprentissages, l’enseignant peut en profiter pour regrouper un élève qui a de la difficulté dans un concept (rouge) avec un élève qui n’en éprouve pas (vert). Le tutorat par les pairs peut être bénéfique pour les élèves en difficulté qui sont parfois plus habiles que les enseignants pour expliquer un concept qui échappe à un élève. En effet, St-Laurent (1995) qualifie ce mode de regroupement comme utile et efficace auprès des élèves à risque.

Voici le tableau des apprentissages et les différents graphiques (captures d’écran de la conférence repéré à :  


Chaque ligne représente un élève et chaque colonne un apprentissage. Le vert indique que l’élève maîtrise la matière, le bleu qu’il y travaille encore et le rouge qu’il a un blocage concernant le concept.


Graphique indiquant les problèmes réussis et ceux échoués.


Graphique indiquant la progression de tous les élèves de la classe dans les modules à l’étude au fil des jours.


Graphique indiquant les minutes passées par les élèves à faire les exercices et visionner les vidéos
 

Graphique indiquant les contenues des vidéos visionnées et des exercices effectués.


Tout comme les approches, les programmes d’intervention et les pratiques communes à la pédagogie, le programme de M. Khan n’est pas différent. Il peut faire des miracles chez certains élèves alors que pour d’autres, il les mène à l’échec. En tant qu’enseignante, il est impératif de choisir les approches et les programmes qui sauront répondre aux besoins et aux difficultés de nos élèves. J’ai bien aimé découvrir cette nouvelle façon d’enseigner et c’est une autre connaissance que j’ajouterai à mon coffre à outils d’enseignante!

Et vous, qu’en pensez-vous? Partagez-vous la même opinion que moi?

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St-Laurent, L., Giasson, J., Simard, C., Dionne, J., Royer, É. Et collaborateurs. (1995) Programme d'intervention auprès des élèves à risque : une nouvelle option éducative. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur.

Vienneau, R. (2011) Apprentissage et enseignement : théories et pratiques. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur.
 

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